[Songe continu] La Mosaïque onirique - Tessons des dessinateurs après l'Esquisse

Anonymous
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Mer 13 Avr - 19:58

La Mosaïque onirique



Voici un nouveau petit sujet, sur le même principe que notre fameuse Mosaïque ! Si le principe de l'originale est d'assembler des morceaux de la vie passée de nos braves dessinateurs.. Ici, on ne recompose pas le passé, on crée l'avenir.

Bien que nous ayons eu par certains songes l'occasion de se figurer à quoi pourrait ressembler la vie de nos personnages s'ils sortaient de l'Esquisse, cela implique d'avoir deux personnages au minimum, et l'idée devient un peu délicate pour ceux qui n'ont pas vraiment de lien géographique ou de forte relation qui justifierait toute une scène... d'autant qu'on a parfois des idées, une conception, mais plus envie d'écrire un petit texte que de se lancer dans quelque chose de plus long.

Bref, sur le fonctionnement, même principe que la Mosaïque : on reprend la dernière phrase du précédent posteur, on écrit ce qu'on veut et de la longueur que l'on veut, puis on s'arrange pour laisser une phrase "réutilisable" à la fin ! L'avantage étant qu'en plus, s'agissant de songe, on peut briser les barrières avec la réalité ou imaginer des uchronies, car on n'a qu'un passé mais des tonnes d'avenirs possibles ♥ De même, vous pouvez vous amuser à raconter "juste après" le présumé retour, deux ans, dix ans, ou même la retraite avec les petits-enfants qui jouent dans le jardin !




(PS:  Le saviez-vous ? Ce sujet, et la Mosaïque elle-mêmes, pourraient être considérées comme des "centons". Je vous laisse voir sur Google)
(Bref, je commence modestement)





« Alors comme ça, tu as parles à une fille sur Facebook. »

Amy savait qu'elle venait de mettre le doigt sur quelque chose d'intéressant. Et Al savait qu'elle savait, tout en se doutant bien qu'il n'aurait pas la paix avant un long moment.

« Elle est jolie en plus, je ne savais pas que tu avais un faible pour les blondes… Entre vous, ça a commencé depuis longtemps ?  »

Définitivement. Il soupira et tenta de ne pas faire face à ces dents de requin, faisant mine d'être accaparé par le mouvement des nuages à l'extérieur.

« Écoute, cela pourrait très bien être une connaissance de la fac…
- Tu étudies en France maintenant ?
- Jamais. Il s'agit peut-être d'une personne venue en échange par Erasmus ?
- Je n'ai rien vu de tel sur son profil.
- D'où as-tu vu son profil ?
- Depuis ton épaule, tout à l'heure, pendant que tu martelais ton clavier pour lui parler avec un sourire bizarre ? On était trois à s'empêcher mutuellement de rigoler. »

Il se retourna brusquement pour regarder derrière lui. Ses deux parents avaient fui à l'extérieur, mais leur discussion était vaguement perceptible depuis le salon où il avait eu le malheur de se poser avec son ordinateur, histoire de profiter du "week-end en famille".

« Hm. Certes, c'est une vieille amie que j'ai retrouvé récemment. »

D'un air de "Bah voilà quand tu veux !", la jeune femme lui adressa un sourire et s'installa sur le fauteuil d'à côté. Puis ses traits changèrent.

« Tu avais l'air heureux, en tout cas, murmura-t-elle. C'est rare.. »

En grandissant, elle avait acquis cette expression beaucoup plus bienveillante, qui se manifestait quelques fois soudainement dans ses moments d'espièglerie. Là seulement, alors, la cousine agaçante disparaissait pour laisser place à un être calme et beaucoup plus patient en apparence.

« Tu l'as rencontrée en 2012, si j'ai bien compris. »

Il hocha la tête pour seule réponse. Ce n'était pas difficile à deviner, après tout, et quand bien même il avait gardé le silence… Cela faisait partie des choses qui sont toujours écrites au feutre rouge sur son visage, n'est-ce pas ?

« Elle m'a en quelque sorte… bien aidé.. Ou plutôt, disons-le, sauvé la vie, à l'époque. Du coup, j'apprécie d'avoir des nouvelles de sa part.
- Houhouhou !
- Ferme la. »

Quelques heures plus tard, il apprenait quelle destination avaient choisi ses parents pour les prochaines vacances d'été. Et surtout l'inattendu détour qu'ils accomplissaient, dans un endroit dont il avait déjà entendu parlé....

Nouvelle qu'il avait accueilli en croisant des bras, avant d'allumer aussitôt son téléphone pour prévenir une certaine personne. Sans jamais avoir rien su de l'Esquisse et de ce qui s'y était vraiment passé, sa famille avait tout fait pour qu'il se reconstruise depuis le jour où il était revenu, à la fois fidèle à lui-même et à la fois transformé à vie.


Alors… La blessure avait presque guéri.



(bien sûr, ça peut être une blessure au genou, comme d'habitude la mosaïque c'est sortir les phrases du contexte !)
Anonymous
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Mer 13 Avr - 21:16
La blessure avait presque guéri.
Du moins, c'est ce qu'elle laissait croire.

Le retour de ce monde bien trop rose n'avait pas fait que des heureux. Cydna faisait partis de ces rares personnes à ne pas être plus enchantée que cela de retrouver foyer et parents. Ce sentiment fut tout à fait légitime au vu de la réaction de ces derniers lorsqu'ils l'ont vu revenir après tant de jours, tant de mois d'absence.

Une énorme gifle traversa sa joue plus vite qu'un objet ne les attaquerait. Elle ne vacilla pour autant pas, montrant clairement à cette femme qu'elle n'était pas partie pour le plaisir, qu'elle avait vécu bien pire qu'une simple gifle de bienvenu. Son regard était revenu sur elle, un regard déterminé à ne plus subir cela maintenant qu'elle était revenue. Un regard faisant clairement comprendre que cette violence ne changerait rien.

Au deuxième assaut, elle bloqua la main de cette femme qu'elle trouvait décidément bien faible. Avait-elle toujours été si molle ? Si petite ? Si vieille ? De quoi avait-elle peur jusque là ? Puisque la violence physique ne fonctionnait pas, alors elle commença à l'attaquer verbalement. Mais tout coulait sur la jeune femme sans jamais l'atteindre. Ah… Etait-ce de là qu'elle venait ? Toutes ces paroles imbuvables lui paraissent si indulgentes… Alors elle sourit. Non pas de moquerie, ni quoi que ce soit de ce genre, elle sourit juste, calmement, faisant taire ces dires pourtant incessant à l'époque.

« Je suis rentrée, maman. »

La main qu'elle tenait encore se mit à trembler, alors elle la lâcha. Elle n'avait plus rien à craindre à présent. Alors sa main ainsi libérée, Cydna la porta jusqu'au visage de cette femme si frêle, si vieille, une main bienveillante comme jamais elle n'aurait cru avoir envers elle.

« Je suis désolée de t'avoir inquiétée. »

Un sourire calme et serein se dessina sur son visage. Après tout ce qu'elle a vécu dans cet autre monde. Après tout ce qu'elle a dut subir… Il était temps de ne plus craindre le monde réel. Il était temps de ne laisser que cette Esquisse la tourmenter encore pendant de nombreuses nuit, de nombreuses journées, de nombreux mois, de nombreuses années…

Parce que le monde réel lui parait si indulgent… Qu'elle n'a qu'une peur : Se réveiller à nouveau dans cet autre monde.
Anonymous
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Mer 13 Avr - 21:42
Se réveiller à nouveau dans cet autre monde. Malgré les objets, dont elle avait eu si peur, malgré les tempêtes, malgré les cyantifiques, malgré tout ce qu'elle avait vécu, elle aimerais, un jour, y retourner. Revivre ces aventures, parler à ces personnes, qui lui étaient à présent si chères, elle en rêvait. Elle ne se souvenait plus vraiment de sa vie d'avant. Lorsqu'elle était rentrée, elle avait été accueillie par les regards froids de sa « famille », elle avait dû recommencer l'école. Et l'oublier. L'oublier, ce monde onirique, autrefois si hostile, dont elle ne gardait que de bons souvenirs : les moments où elle jouait, où elle parlait de tout et de rien avec tous ses amis. Elle se souvenait, en particulier, du moment où elle jouait avec des étoiles de mer, ou encore de sa chasse aux étoiles de mer avec les membres du club.

Emi soupirait, essayant de retenir ses larmes. Elle avait dix-neuf ans. Elle avait réussi, au final, à s'en remettre. Trouver d'autres amis, recommencer à vivre normalement, se rebeller, commencer, finir. Chaque fois qu'elle s'en souvenait, elle était un peu ... triste. Le danger permanent, les petits moments si importants de paix, ... Le pire, c'est quand elle voit une étoile de mer. Ça lui rappelle des moments intenses, qu'elle rêverait de revivre. Elle rêve de tous les revoir. Elle rêve de passer des moments avec eux.

Elle tenait entre ses mains le billet d'avion qui allait lui permettre de réaliser ses rêves. Ses cheveux étaient longs, elle était grande, elle n'avait plus peur de rien. Elle sécha ses larmes et sourit. Elle se leva de sa chaise, la rangea sous son bureau, plein de livres de toutes sortes, alla finir sa valise.

Et elle sortit de sa chambre, tenant fermement le billet d'avion vers la France.
Elle allait pouvoir la revoir. Et, rien qu'un instant, se remettre à rêver.
Anonymous
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Jeu 14 Avr - 13:58
Rien qu'un instant, se remettre à rêver. Imaginer tous les possibles, espérer en silence parmi l'incompréhension froide.

Quand il était 'revenu', seuls cinq ans s'étaient écoulés. Paresseusement, il avait imaginé les mois, les siècles passer durant le processus. Mais non, il s'était écoulé cinq bêtes années. Et malheureusement, le monde n'avait pas tant changé en une demie-décennie. Si, il était adulte. Sa peau avait enfin terminé son remue-ménage sébacé, sa barbe avait poussé. Forcément. Mais il avait toujours ces cheveux bruns, ces yeux marrons, cette peau maladive.
Il aurait du aller à l'université, mais le destin avait decidé de lui faire goûter un autre type d'institution. Et le retour à la réalité avait été pire qu'un examen de fin d'études.

Il était réapparu sur la petite scène de son école, en pleine nuit. Avant, il aurait paniqué, se demandant comment sortir. Mais Esquisse lui avait fait bien pire que ça.
Il avait erré sans but  en découvrant que ses parents avaient déménagé. Et finalement, comme un dernier éclat de Folie, il avait rencontré sa soeur explicitement vêtue au détour d'une rue peu fréquentée encore. Elle l'avait traité de tous les noms, laissant comprendre entre deux insultes que leur père s'était brutalement encore plus durçi après sa disparition. Et finalement, il avait mis Eulalie à la porte.

Le lendemain, il avait rencontré Alexandra, qui lui expliqua en bloc tout ce qu'il s'était passé depuis son départ.
Apparemment, les disparitions soudaines de centaines d'individus avaient causé incompréhension et conflits. Les gouvernements en avaient profité pour faire passer des lois  et des idées sans que personne ne s'en inquiete. Les esprits s'étaient échauffés, le terrorisme avait gagné du terrain en Europe. Mais depuis, les plaies cicatrisaient doucement.

Plus joyeusement, tous leurs amis s'étaient battus pour savoir si c'était Jeremy ou Arthur qui avait entraîné l'autre dans ce qu'ils croyaient encore être une fugue romantique vers l'inconnu.
Et puis Johan avait intégré un IUT, Anastasia était parti en Belgique pour tenter médecine... Alexandra était encore à la fac, fiancée à un Français, elle qui rêvait de riche anglais à l'allure princière. Elle avait coupé ses cheveux et les avait lissé, arrêté les mèches. L'étincelle dans ses yeux avait disparu. Avec la conjoncture actuelle, elle ne savait pas si ses études la mènerait à un travail sûr. En attendant, elle servait des clients pressés au Fisher.

Alors, dans sa minuscule chambre d'hôtel, attendant un appel du Auchan ou du Quick, Arthur se prenait à rêver. S'ils pouvaient y croire, s'ils savaient toute la brutale beauté de la vie que Esquisse lui avait révélé. Et... Si seulement il pouvait y retourner, ne serait-ce qu'une semaine. Une journée. Un instant. Etre un héros, même de carton. Etre quelqu'un, même si c'était le beau parleur du coin. Ici il n'était rien. Même pas une poussière dans les rouages.

HRP:
Anonymous
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Ven 15 Avr - 17:17
Même pas une poussière dans les rouages. C'était ce que lui avait dit le garagiste en lui tendant avec un air satisfait les clefs de sa voiture. Alexander les saisit, puis fit démarrer la caisse, qui vrombit presque à la façon dont un chat ronronnerait en retrouvant un maître. Un maître disparut depuis des lustres. Il n'avait même pas imaginé en rentrant que sa voiture serait encore en état de rouler.

Il démarra la voiture, puis roula, songeur. Il se ressassait ces souvenirs, venus de cet autre monde qu'il ne retrouvera jamais. Etrangement, il avait une sensation de vide dans la poitrine, comme si quelque chose lui manquait. Ce monde lui manquait. Ce monde qu'il avait au départ détesté, puis adoré, lui manquait. Et il se souvenait de cet autre lui-même qui avait été tout ce temps son exact opposé, une entité parallèle dont il n'avait pas soupçonné l'existence. Et, contre toute attente, lui aussi lui manquait. Parce que cette autre facette de lui-même, cette face cachée qui était son exact opposé, il l'avait admiré.

-Je croyais que tu mettrais encore deux ans pour revenir ! Ria-t-elle en l'apercevant arriver.

Deux ans. Deux ans passés là bas. Deux ans à détester sa propre race et à se détester lui-même. Il ferma les yeux un instant, soupirant, tandis qu'elle continuait à parler et à se plaindre. Puis il se demanda où étaient-ils passés, les autres. Parfois, il aimerait parler de ce qu'il avait vécu, parler de ce passé qui paraissait irréel...

-... Et puis bon sang, mais qu'est-ce que tu lui as raconté ? J'ai subi un lavage de cerveau avec elle, elle saute partout et me répète encore et encore la même chose. T'as appelé ça comment déjà ? Elvis ? La cuite ? Enfin bref, j'en ai marre. Arrête de lui raconter tes conneries.

La dure réalité l'avait finalement heurté à un mur, celui du rationnel. Personne ne croirait à un monde trop colorée dans lequel tout et n'importe quoi pouvait arriver, dans lequel l'être humain n'aurait pas le contrôle, dans lequel les meilleurs comme les pires rêves pouvaient devenir réalité. Personne. La petite arriva finalement, et il reprit le volant, avec l'autre à l'arrière. Le quotidien - le véritable, pas cet étrange quotidien qui régissait cet autre monde - avait repris sa place dans son existence, et certaines habitudes ne disparaissaient jamais, même après deux années de disparition. Il observa la route qu'il connaissait par coeur comme une route toute nouvelle.

Une fois arrivé au sommet de la montagne, il sortit le télescope du coffre, puis prit la main de la petite et tous deux commencèrent à monter la hauteur qu'il restait. Une fois au sommet, Alexander installa le télescope, puis le régla et regarda dans la jumelle. Il observa un instant l'étendu de la voûte céleste, à la recherche de l'étoile qui abritait peut-être cet autre monde. Puis elle tira sur son manche, et il détacha son regard des astres pour la regarder.

-Racontes moi encore une histoire !

Il ne put s'empêcher en voyant l'étincelle dans ses yeux et cet enthousiasme si peu masquer.

-Alors... Reprenons les aventures du justicier aux cheveux blancs. Répondit-il en réfléchissant à ce qu'il allait bien lui raconter pour cette fois.

Puis il entama un nouveau récit, témoignage déguisé sous les attraits d'un conte tout droit sorti de son imagination, alors que la seule personne qui prenait à coeur son histoire l'écoutait avec la plus grande des attentions.

Finalement, tout ce passé, toutes ces aventures, tout ce monde qui ne sera jamais dévoilé... Tout ce qu'il avait vu, entendu, touché, senti, goûté...

Tout cela n'avait pas été si mal que ça, finalement.
Anonymous
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Ven 15 Avr - 18:32
Tout cela n'avait pas été si mal que ça, finalement.

Il avait mûri. Enfin, c'était ce qu'on lui disait. Lui ne se sentait pas tellement différent. Un peu plus serein, peut-être.
Ce qu'il avait vécu, là-bas... Au fond, cela lui avait fait plus de bien que de mal. Certes, il avait traversé des épreuves. Mais rien qui l'ait profondément atteint. Il avait vu des gens blessés, brisés. Lui avait eu de la chance.
Alors non, il ne regrettait pas. Il ne regrettait rien.

Six mois s'étaient écoulés, ici. Ervin avait perdu la notion du temps, mais il lui semblait que cela correspondait. Leur famille les avaient accueillis de manière mitigée. Bien sûr, il étaient hereux de les revoir. Mais il avaient voulu savoir. Comprendre. Or, il n'y avait rien à comprendre. Mark et lui s'étaient tus sur tout ce qu'ils aveint vécu. D'un commun accord, le reste de la famille avait repoussé cette partie de leur vie dans l'ombre. Les liens s'étaient renoués.

Tout n'était pas comme avant, loin de là. Leur mère, qui auparavant les couvait de manière presque étouffante, avait fini par admettre qu'ils étaient adultes, comme si elle avait inconsciemment senti les changements en eux. Les autres membres de la famille, en revanche semblaient s'être placés à une distance respectueuse des deux frères. Comme si leur refus de leur parler de l'Esquisse avait placé un mur invisible. Transparent, laissant passer les sons, mais filtrant certains sentiments. Comme une certaine partie de leur confiance. Peu importe.

Mark... Mark allait bien. Enfin, Ervin savait qu'il n'était ni brisé, ni traumatisé, comme l'avaient été beaucoup de dessinateurs. Mais il était ailleurs. Ervin savait pourquoi. La cause était rousse et avait porté le nom d'un penseur grec. Il ne pouvait s'empêcher de grincer des dents en pensant à lui, encore aujourd'hui.

Il faisait et refaisait le bilan de ces quelques mois. Et plus il le faisait, mieux il se sentait. Pour la première fois depuis très longtemps, Ervin se sentait confiant. L'avenir ne faisait plus peur quand on avait affronté une horde de sèches-cheveux cracheurs de feu.

Désormais, tout irait bien.
Anonymous
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Jeu 21 Avr - 18:22
Tout irait bien.
C'était ce que se disaient April et Aaron. Ce qu'il essayaient de croire. Adam avait toujours été sombre et difficile à comprendre, mais il avait, un but qu'il n'abandonnait pas. Il n'y avait pas de raison que tout dérape, il n'y en avait jamais eu, et pourtant...
_____________________

Turner ouvrit les yeux sur un ciel rose et une prairie aux tons bleutés. Incrédule, il regarda la peinture qui se trouvait sous ses yeux. Il ne la connaissait pas. Il n'avait jamais peint ceci. D'ailleurs, ce n'était pas son trait.
Émergeant petit à petit, il regarda autour de lui. Et s'immobilisa brusquement. Il était dans son atelier. Son atelier du monde réel. Son cœur s'arrêta un instant. Avant de repartir dans une course effrénée. Il se précipita vers la fenêtre et ouvrit les volets en grand. Le ciel grisâtre le narguait de sa banalité. Pas de rose. Pas de couleurs pas d'écrans pas d'images pas de formes mouvantes rien. Rien. Un ciel gris. Normal. Terrien.
Il fit volte-face. Pas un de ses tableaux ne se trouvait dans la pièce. Pas un de ses tableaux de l'Esquisse. Tous les autres -les échecs- lui faisaient face, comme une assemblée de juges impitoyables. Il ouvrit sa sacoche et sortit son carnet en toute hâte. Les pages étaient toutes parfaitement vierges. Le carnet était neuf. Les tubes de peinture qu'il avait confectionnés là-bas à base de végétaux ou d'objets avaient disparu. Plus aucune preuve de l'Esquisse ne demeurait. A moins que...
Le souffle court, anxieux, terrifié, même, Turner se saisit d'un pinceau. Il prit une toile blanche qui se trouvait dans un coin de la pièce et la posa sur son chevalet. Lentement, il sortit des tubes de peintures, effectua quelques rapides mélanges.
Il posa un premier trait. Tremblant presque, il commença à peindre.

Sa main tremblait franchement, à présent. Il fit quelques pas en arrière. Regarda son travail.
Plus aucune preuve de l'Esquisse ne demeurait. Pas même l'inspiration presque magique qu'elle lui avait donné.

« Non. »

Son murmure sonnait comme un gémissement. Il ne pouvait pas vivre sans ça.

« Non. Non, non, non, NON ! »

Il jeta son pinceau contre la toile et se laissa tomber à genoux, le visage dans les mains, comme il l'avait si souvent fait auparavant.
Il ne pouvait pas vivre sans peinture. Sans inspiration. Il ne pouvait plus. Pas après l'avoir expérimentée. Pas après l'Esquisse. Il ne pouvait plus.

« Adam ? »

La voix résonna dans contre la porte de l'atelier. Ouvrant une brèche dans l'esprit de Turner, déchaînant un flot de souvenirs dans son esprit.

Aaron ouvrit la porte.

« Ah, tu étais là... Ça fait dix minutes qu'on te cherche, je commençais à croire que tu étais parti à pieds... »

Il vint s'accroupir à côté de Turner

« Hé, ça ne va pas ? »

Turner retira lentement ses mains de son visage et regarda Aaron dans ses yeux.

« Un jour, tu as dis que votre amour, à toi et April, pourrait me suffire, dans cette vie, pour peu que je l'admette.
- Oui... ?
- Ça a peut-être été vrai, un jour. Plus aujourd'hui. »

Il se leva et se dirigea vers ses tableaux, posés à même le sol, appuyés contre le mur, et les uns contre les autres, comme un troupeau de brebis effrayées, collées les unes aux autres pour mieux faire face au danger.

« Ne dis pas ça, tu me fais peur... Hé, qu'est-ce que tu fais ? »

Adam -car il n'était plus Turner, à présent, il était redevenu le médiocre jeune homme qu'était Adam- craqua une allumette et la jeta au milieu du troupeau de brebis. Calmement, comme déconnecté de la réalité, il regarda une flamme naître, et commencer à grandir.
Pour un peu, il aurait ri de voir ces toiles, qu'Aaron et April avaient toujours considéré comme des chefs-d’œuvre, disparaître avec autant de facilité. Une allumette et plus rien.
Mais il n'avait plus envie de rire, même avec cynisme.
Le rire est le propre de l'Homme, dit-on. Parfait, alors, il n'était plus un homme.
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